Les matériaux polymères possèdent une importante capacité de dissipation de l’énergie vibratoire. Ils sont utilisés pour protéger les structures, les équipements et les passagers des sollicitations vibratoires, des chocs et du bruit.
Les enjeux de la caractérisation expérimentale des matériaux viscoélastiques
Afin de caractériser ces matériaux, leur rigidité dynamique et angle de perte sont classiquement représentés en fonction de la fréquence de sollicitation. Ces observations expérimentales mettent en évidence une évolution sensible de ces grandeurs en fonction des plages de fréquence (figure 2).
Figure 2 : représentations fréquentielles
La caractérisation expérimentale de ces propriétés, appelée Analyse Mécanique Dynamique s’avère délicate car la plage de fréquence à couvrir par les moyens d’essais est souvent très large et difficilement accessible par un seul dispositif expérimental. Par ailleurs, les caractéristiques mécaniques des matériaux viscoélastiques dépendent très fortement de la température. Une première solution consiste à exploiter le principe d’équivalence temps-température. Cette méthode est basée sur des essais vibratoires en bande de fréquence relativement étroite réalisés à différentes températures. L’équivalence temps-température permet alors de reconstruire le comportement dynamique du matériau sur une large bande de fréquence pour une température donnée.
Cette méthode présente plusieurs biais de mesure dont le principal vient de l’hypothèse d’équivalence temps-température qui n’est pas toujours vérifiée selon les matériaux étudiés. Dans de nombreux cas des matériaux contemporains issus de l’industrie tels que les matériaux multicouche, les polymères chargés, les matériaux fonctionnalisés, les colles structurelles, l’équivalence temps-température n’est plus valide. La caractérisation des propriétés dynamiques du matériau doit alors être réalisée à la température et sur la bande de fréquences correspondantes aux conditions d’utilisation réelles.
L’équipe VAST développe depuis plusieurs décennies des viscoanalyseurs innovants et performants qui permettent de caractériser directement les propriétés mécaniques dynamiques de ces matériaux sous différentes configuration de sollicitation (traction-compression, cisaillement, chargement statique te dynamique combinés …). Ces nouvelles technologies expérimentales (figure 3) permettent aujourd’hui une caractérisation directe des matériaux viscoélastiques (sans équivalence tems-température et sans passage par des modes propres du dispositif expérimental) jusqu’à 10kHz.
Figure 3 : 3 viscoanalyseurs développés à Supméca
La réalisation de ces essais sous différentes précharges et différentes amplitudes de sollicitations permet alors une caractérisation fine de la viscoélasticité non linéaire du matériau étudié.
La qualité des données expérimentales issues de ces essais est un enjeu majeure dans la prédiction des comportements dynamiques des composants et structures dans lesquels les matériaux viscoélastiques sont utilisés.
Les enjeux de la modélisation des matériaux viscoélastiques
Les données expérimentales des comportements dynamiques des matériaux viscoélastiques sont principalement réalisées afin d’alimenter des modèles prédictifs sur des composants, des structures ou des systèmes.
Les comportements mécaniques viscoélastiques peuvent être décrits principalement par deux familles de modèles : ceux à base de dérivées non entières et ceux à base de composants rhéologiques élémentaires tel que le modèle de Maxwell généralisé.
Le premier verrou de modélisation provient de l’identification des paramètres de ces modèles. Ce point est développé dans plusieurs publications de l’équipe VAST [1 – 3] et valorisé chez plusieurs partenaires industriels (Hutchinson, BOSCH Système de freinage, AER, ADERIS).
Le deuxième verrou traité par l’équipe VAST porte de l’intégration de ces modèles dans des codes de calculs de structures du commerce [4,5].
La viscoélasticité est un domaine de recherche particulièrement actif depuis des décennies qui trouve aujourd’hui de nouveaux champs d’investigation avec les matériaux fonctionnalisés, les métamatériaux, la fabrication additive et les matériaux biosourcés ou respectueux de l’environnement et du développement durable.
[1] J.-L. Dion and S. Vialard, “Identification or rubber shock absorber mounts,” Mécanique industrielle et matériaux, vol. 50, no. 5, pp. 232–237, 1997.
[2] F. Renaud, J.-L. Dion, G. Chevallier, I. Tawfiq, and R. Lemaire, “A new identification method of viscoelastic behavior : Application to the generalized maxwell model,” Mechanical Systems and Signal Processing, vol. 25, no. 3, pp. 991 – 1010, 2011.
[3] H. Jrad, J. L. Dion, F. Renaud, I. Tawfiq, and M. Haddar, “Experimental characterization, modeling and parametric identification of the non linear dynamic behavior of viscoelastic components,” European Journal of Mechanics – A/Solids, vol. 42, no. 0, pp. 176 – 187, 2013.
[4] S. Thouviot, G. Chevallier, F. Renaud, J.-L. Dion, and R. Lemaire, “Prise en compte des comportements viscoélastiques dans la simulation dynamique des systèmes de freinage,” Mechanics & Industry, vol. 10, no. 05, pp. 385–396, 2009.
[5] H. Festjens, G. Chevallier, F. Renaud, J.-L. Dion, and R. Lemaire, “Effectiveness of multilayer viscoelastic insulators to prevent occurrences of brake squeal : A numerical study,” Applied Acoustics, vol. 73, no. 11, pp. 1121 – 1128, 2012.